L’HARMONIE DU CHAOS
(video-texte)Cette pièce illuste un texte écrit par mes soins traitant de l’enfance, avec des images d’archives de la “United States National Library Of Medecine”.
Aujourd’hui, j’ai essayé de construire une cabane.
J’ai échoué.
Sans doute avais-je perdu le talent d’un enfant
Qui érigeait un amas de draps et d’épingles en royaume.
Il y a sûrement quelque chose de l’urgence, dans la construction de la cabane chez l’enfant
C’est sa première fugue
Mais aussi sa dernière naissance
Une décennie passée à surement eu raison de cet équilibre inné de la matière
Et du mien d’ailleurs
Et même de l’équilibre du monde tiens
Un jour j’ai rencontré un homme qui construisait des immeubles
Il posait quelques tonnes de ciment ici et la
Répartissant des poids aux quatre coins de la planète
Évitant ainsi d’intensifier sa rotation
Il nous sauvait par la même occasion de quelques minutes de soleil chaque soir
Lui pensait participer à l’équilibre du monde
Moi je crois plutôt qu'il l’alourdissait
Mais à cet architecte de la stabilité
On avait retiré quelque chose de l’ordre de l’absolu
Une chose que, même après tant d’années, il ne s’était jamais résolu à perdre
L’âme couverte par la haine
Et d'un sursaut de lucidité sur sa propre condition
Il entreprit alors de faire disparaître du monde ce qui lui avait échappé.
Désormais
Révolu est l’âge où l'enfant n’est pas encore autorisé à détester ses parents
L’âge ou l’enfant se contente d’être un enfant
Dans son égarement le plus total
Lorsque les murs des cabanes se seront rigidifiés
Que restera-t-il des amitiés qui naissent sous les draps effondrés
Du bonheur des mercredi après-midi
Des rires asphyxiés sous les couettes
Maintenant ensevelis par le temps
Ces rires qui jubilaient de l’espace conquis sur le vaste terrain familial
Ces rires qui se chuchotaient aussi
Pour que jamais ne parvienne aux oreilles du monde total
Le bruit du chaos qui altère chaque nouveau-né
Quelques années après cet incident majeur
J’ai décidé de retrouver l’un de ces enfants, à qui l’innocence avait échappé
La petite avait le regard las, à peine éveillé
Ses yeux déjouaient constamment les miens
Elle avait les mains enfoncées dans le divan, comme une amorce
Pour qu’elle puisse se tirer à la moindre occasion
Puis il y avait sa nonchalance
Évidente, elle débordait de son corps d’enfant
Lorsque j’ai commencé à évoquer ce qu’elle n’avait jamais connu
Les larmes ont commencé à perler sur sa joue droite
Elle les essuyait du creux de la paume
Geste qui, l’espace d’une seconde, lui fit une mine de grimace
Je pense que malgré son jeune âge
Elle avait bien saisi l’ampleur de ce qu’on lui avait ôtée
De ces enfants déréglés
Je pense qu’il ne survivait pas grand-chose
Si ce n’est une grande confusion vis-à-vis d’eux-mêmes
Ou du monde qui les entoure
Qu’ils ne savaient plus vraiment comment pratiquer